Le RttH à la rescousse du FttH pour atteindre les objectifs du Plan France Très Haut Débit ?
L’accès à internet en très haut débit est un enjeu de couverture stratégique pour la France.
La France reconnait depuis 2016 l’accès à internet comme un droit fondamental. Le Président de la République vient de réaffirmer l’ambition d’une couverture nationale avec un service performant d’ici à 2020 (en haut ou très haut débit), faisant de la couverture un enjeu éminemment stratégique. Cette ambition a été formalisée dès 2013 par le gouvernement précédent, avec le lancement du Plan France Très haut Débit dont l’ambition consiste à apporter la fibre optique au plus près de chaque logement ou local professionnel avec un objectif de couvrir l’intégralité du territoire d’ici à 2022. Ce plan a donné lieu à un découpage de la France en zones, afin d’optimiser les investissements publics et privés, en distinguant :
- les zones très denses (ZTD) où des investissements uniquement privés sont rentables même si plusieurs réseaux sont déployés en parallèle ;
- les zones moins denses également couvertes par des investissements privés via des Appels à Manifestation d’Intention d’Investissement (AMII) où les acteurs s’accordent sur le déploiement d’un seul réseau ;
- les zones moins denses où des investissements privés ne suffisent pas et pour lesquelles les collectivités subventionnent des Réseaux d’Initiatives Publics (RIP).
Le FttH seul ne permettra pas d’atteindre les objectifs fixés…
Le FttH (Fiber to the Home ou la fibre jusqu’au domicile) est la solution privilégiée par le plan France THD de par les performances atteintes et sa pérennité. En revanche, cette solution rencontre des limites. En effet, quand le coût d’un raccordement en zone très dense se chiffre à quelques centaines d’euros, il peut atteindre plusieurs milliers d’euros en zones RIP et en particulier pour des sites dits « isolés ». En effet, la faible densité de logements, le manque d’infrastructures existantes et la longueur importante de certains raccordements viennent accroître drastiquement ce coût.
…et les solutions alternatives existantes offrent des possibilités limitées.
La fibre n’est pas l’unique solution mise en œuvre pour permettre la couverture des territoires en très haut débit. Le cuivre propose toujours une alternative via la technologie Vdsl2 (la portion de cuivre est réduite par rapport à l’ADSL permettant de meilleures performances) ; le câble reste également une autre solution. Mais pour ces deux technologies, le déploiement se concentre sur des zones « relativement » denses et ces deux solutions ne permettent pas d’aller raccorder des sites isolés à un coût raisonnable.
A contrario, le satellite permet d’aller chercher n’importe quel site sur le territoire et ne nécessite aucun investissement en termes d’infrastructures terrestres pour l’opérateur ou la collectivité. En revanche, le débit descendant proposé d’environ 20 Mbps, le temps de latence et le coût de l’équipement client (antenne satellite) ne rendent pas cette offre équivalente à la fibre voire même à l’ADSL. Par ailleurs, les risques de saturation de la bande passante disponible du satellite sont réels, comme l’illustre la suspension de commercialisation de l’offre Tooway vers les particuliers en 2015, 4 ans après son lancement. Enfin, les perspectives d’évolution de cette solution sont encore incertaines, même si des acteurs comme Eutelsat affichent des ambitions pour améliorer les performances de cette technologie.
Le RttH se positionne comme une solution réellement complémentaire au FttH…
Dernière « née » des alternatives, la 4G fixe ou THD Radio ou RttH (la « connexion sans fil » jusqu’au domicile). Cette solution présente deux visages : un premier avec des offres d’accès à internet via une box connectée à un des réseaux 4G déployés par les opérateurs télécoms (Bouygues, Orange et plus récemment SFR sur le marché Entreprise uniquement) et un deuxième, à venir, avec le déploiement d’un réseau 4G sur une nouvelle bande de fréquence (40 MHz dans la bande des 3,5 GHz) dédiée à la couverture en très haut débit en complément du FttH et dont l’attribution par l’ARCEP devrait se faire début 2018.
La 4G fixe, basée sur la technologie LTE TDD, aura l’avantage d’offrir, à terme, un service aux débits garantis supérieurs à 30 Mbps.
Plusieurs acteurs se sont déjà déclarés intéressés par cette solution avant même que l’ARCEP ne prenne position. Nomotech, acteur historique des réseaux sans fil sur les territoires, est déjà présent sur cinq projets auprès de collectivités. La Haute Garonne a initié une expérimentation auprès d’une vingtaine de testeurs sur deux sites en partenariat avec Altitude Infrastructure. La Bourgogne Franche Comté a également lancé une expérimentation dans ce sens en partenariat avec Axione. TDF expérimente également le RttH dans les Vosges dans la commune rurale de Les Voivres avec des résultats convaincants avec des débits de plus de 60 Mbps en débit descendant.
…mais la réussite du déploiement de cette solution reste incertaine
Cette solution se présente comme prometteuse pour faciliter l’atteinte des objectifs du plan France THD. En revanche, à court terme, se pose la question des conditions réglementaires de déploiement, On repense notamment aux écueils rencontrés par une solution telle que le WiMAX qui devait jouer un rôle similaire il y a quelques années. L’ARCEP devrait se positionner rapidement sur les modalités et conditions d’attribution des fréquences.
Autre point important pour les collectivités, l’éligibilité de ces réseaux aux subventions publiques – même si leur coût est moins important que celui des réseaux FttH, il n’en reste pas moins qu’une infrastructure terrestre doit être déployée, représentant des budgets de plusieurs millions d’euros par territoire. Les solutions hertziennes de type satellite, WiMax ou encore Wi-Fi sont déjà éligibles au Fonds pour la Société Numérique (FSN) dans le cas d’habitats isolés pour lesquels il ne peut être envisagé une solution filaire rapide à un coût raisonnable.
A plus long terme, se pose la question de la pérennité de ces réseaux, car même si les coûts du déploiement de la fibre restent élevés pour certains sites isolés, ils diminueront rapidement ces prochaines années au vu de l’industrialisation programmée des déploiements de réseaux FttH.