Smart Healthy Cities ?
La crise sanitaire majeure que connaît le monde avec l’émergence de pandémies mondiales comme celle du covid-19 renforce l’urgence d’exploiter à plein le potentiel de démultiplication du numérique. Bouleverser les frontières du temps et de l’espace est non seulement possible mais souhaitable pour :
- Diffuser de l’information auprès des professionnels de santé, des citoyens, des patients et collecter des informations qui alimentent les prises de décision publiques et politiques aussi bien qu’individuelles.
- Agir à distance pour apporter des réponses adaptées qui décorrèlent les bassins d’offre et de demande de diagnostic et optimisent les flux de prise en charge, notamment pour le triage et le filtrage des patients en amont des structures d’accueil. Les mesures récentes prises par le gouvernement pour faciliter l’accès à la télémédecine vont dans ce sens.
- Suivre et agir au niveau le plus local en utilisant réseaux, capteurs et systèmes de traitement de masse pour piloter de manière personnalisée l’état des patients connectés.
À l’heure du plan « Ma Santé 2022 », comment la santé s’intègre-t-elle aux politiques numériques territoriales ?
En collaboration avec le cabinet Healthinnov et le groupe « Les Echos - Etude » , nous avons élaboré une étude sur l'émergence en France des « Smart Healthy Cities », les villes intelligentes dédiées à la santé des individus et au suivi des patients, ainsi qu’à leurs conditions de développement au sein des territoires.
Quels enseignements tirer de cette étude ?
Le triple enjeu du vieillissement, de l’environnement et de la mobilité
Le vieillissement de la population, sujet sensible, touche l’ensemble des pays. De nombreux défis y sont associés. A l'échelle mondiale, les problématiques démographiques, épidémiologiques et environnementales liées à la hausse de la population, son vieillissement et sa concentration dans les milieux urbains, ont d'importantes répercussions sur la santé des citoyens. En témoignent la forte progression des maladies non-transmissibles (MNT), à l’origine de nouveaux besoins.
La mobilité ajoute à la complexité de l’équation, de l’échelle la plus locale à celle de la planète, favorisant la transmission rapide de certaines maladies (infectieuses ou virales) et le maintien de fortes inégalités dans la contraction des maladies comme dans leur prise en charge.
Au niveau national, le phénomène de désertification médicale s’intensifie. Aujourd’hui, une commune sur trois manque de médecins généralistes, et de plus en plus de médecins partent à la retraite sans pour autant être remplacés. Cette problématique touche aussi bien les grandes villes que les territoires ruraux.
Quelle réalité de la Smart Healthy City ?
La massification de la production, de la collecte et de l’exploitation des données a permis l'émergence et le développement des Smart Cities. L'utilisation d'outils et capteurs permet de récupérer de la donnée auprès des citoyens et des infrastructures afin d’améliorer la qualité des services proposés.
Aujourd'hui, la santé est un bénéfice induit des Smart Cities, mais n'est pas affichée comme objectif en tant que tel. On retrouvera des bénéfices sanitaires dans de nombreux projets, comme la création d'espaces verts, la consommation énergétique, la pollution, ou l'adaptation des habitats. Des prémices de projets, en France et dans le monde, permettent d’envisager un essor futur des Smart Healthy Cities.
Néanmoins, plusieurs obstacles obèrent l’émergence de Smart Healthy Cities, parmi lesquels:
- La nécessaire transformation de la chaîne de valeur pour intégrer, et financer, des acteurs non traditionnels au parcours prévention / soin / retour à domicile et médical / médico-social.
- La complexité de la gouvernance, de la coordination des acteurs et de la gestion des flux financiers inhérents au déploiement des projets de santé.
- La disparité des infrastructures au sein des territoires. Aujourd’hui près de 7 millions de personnes sont privées « d’un accès de qualité minimale à Internet »* . De même, le coût et le manque de rentabilité de certaines installations nécessitent l’intervention de l’Etat. A l’heure de la 5G en France, la question des inégalités entre territoires reste plus que jamais d’actualité.
*Source : étude UFC-QUECHOISIR / mars 2019
Si l'émergence de Smart Healthy Cities n’est possible qu’au prix de la généralisation de projets pilotes aujourd’hui limités dans leurs ambitions fonctionnelle ou géographique, plusieurs facteurs clés de succès semblent se dessiner :
- Une volonté politique et une gouvernance solide au sein des territoires, inscrites dans la durée.
- Une offre cohérente avec les besoins et attentes des usagers, dans leur parcours de vie comme dans leur parcours de soins.
- Un modèle économique viable, repensant les logiques de rétribution au volume qui prévalent dans le système de soins actuel pour privilégier les acteurs et solutions de prévention.
- Des choix techniques pertinents, qui permettent la montée en charge, la scalabilité et la généralisation des expérimentations.
Le numérique est-il une réponse suffisante à ces enjeux ?
Face à ces défis structurels, le numérique apparaît comme LA solution, efficace et durable dans le temps. Le numérique est au cœur même de la transformation du système de soins en France. Nous passons d'un modèle vertical, aux relations cloisonnées entre établissements de santé et structures de ville, où le suivi du patient n'est plus assuré une fois ce dernier revenu au domicile, à l’émergence d’un modèle horizontal centré sur l'individu. Et pas nécessairement le patient… Prévention et maîtrise de ses propres données ouvrent la porte à la personnalisation de nombreux services et au développement d’expérimentations jusqu’au domicile.
Si le numérique permet une meilleure coordination entre acteurs, GAFAM, start-ups, éditeurs de logiciels, acteurs de la télémédecine… émergent et s'imposent dans le secteur de la santé, impactant la chaîne de valeur et les relations de collaboration avec les acteurs traditionnels du secteur. Ces transformations nécessitent de redéfinir les règles et les circuits de partage de la valeur ainsi que l’organisation des flux financiers entre l’ensemble des acteurs.
Pour répondre aux enjeux d’égalité et d’équité, une prise en compte intelligente de la santé au sein des territoires ne peut faire l’impasse sur la question des infrastructures numériques. Nous parlons ici à la fois des équipements, de la collecte, de la consolidation, de la gestion des données, mais aussi de leur circulation et de leur exploitation dans le temps, dans un univers de services qui dépasse celui des soins.
Nous ne sommes qu’à l’aube de cette transformation des usages.